Dossier de la controverse

Commission d’experts juifs et chrétiens, chargée d’analyser les actes du S.S. durant la Seconde Guerre mondiale

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M. R. Macina The Hebrew University of Jerusalem

20/02/2010

Reprise d’articles de presse et de communiqués des années 2000-2001

1. Shoah - des historiens juifs et catholiques demandent au Vatican un libre accès à ses archives

Paris/Rome, 25 octobre 2000 (CIP)

Dans son édition du 26 octobre, le journal « Le Monde » annonce un rapport « accablant » d’historiens juifs et catholiques sur l’attitude de l’Église pendant la Shoah. Selon le quotidien, les membres de la Commission internationale d’historiens juifs et catholiques, instituée il y a tout juste un an par le Vatican et actuellement réunie à Rome, viennent de remettre ce rapport au cardinal Cassidy, président du Conseil pontifical pour le dialogue avec le judaïsme.

« Le Vatican et l’Holocauste : un rapport préliminaire » : tel est le titre de ce document d’une ving­taine de pages qui sera présenté ce jeudi matin 25 octobre au Vatican par l’équipe des six historiens juifs et catholiques.

C’est le 19 octobre 1999 que le Vatican a annoncé l’institution d’une équipe d’historiens, trois Juifs et trois catholiques, chargée de passer à la loupe les « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale », à savoir les onze volumes de l’édition anglaise de ces documents (douze volumes dans l’édition française), publiés par quatre historiens jésuites de 1965 à 1981 à la demande du pape Paul VI et censés représenter l’intégralité des archives du Vatican sur le sujet.

Après un accord conclu la veille avec le président de l’International Jewish Committee on Inter­religious Consultations, l’avocat new-yorkais Seymour D. Reich, engagé de longue date dans les affaires juives au plan international, il s’agissait pour le Vatican de satisfaire une demande de la partie juive, adressée en particulier lors d’une session du Comité international de liaison entre juifs et catholiques tenue au Vatican du 23 au 26 mars 1998, au lendemain de la publication du document du Saint-Siège intitulé « Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah » (16 mars 1998). Du côté juif, en effet, des doutes persistaient sur la position du Saint-Siège face au nazisme, et en particulier sur le rôle du pape Pie XII. À l’issue de la session, le cardinal Cassidy, soucieux d’affermir les relations entre juifs et catholiques, avait suggéré qu’une équipe mixte d’historiens catholiques et juifs soit mise en place pour examiner les volumes publiés par les historiens catholiques – quatre Jésuites, dont le seul survivant est le Français Pierre Blet -, pour y relever les points qui exigeraient des recherches supplémentaires.

Des contradictions et des zones de recherche laissées obscures

Ces historiens (1) ont eu une première réunion à New York début décembre 1999. Après d’autres rencontres tenues à Londres et Baltimore, ils ont donc rédigé, à la veille de leur présente réunion à Rome, ce « rapport préliminaire » sur « le Vatican et l’Holocauste ». Celui-ci contient, après un rappel de quarante faits, autant de questions précises et détaillées, demandant d’ultérieures consultations des archives du Vatican. Exemple : alors que Pie XII a été interpellé sur la « nuit de cristal » (9 novembre 1938), notamment par un rapport détaillé du nonce en Allemagne, « les archives du Vatican révèlent-elles des discussions parmi les responsables sur la réaction la plus appropriée à opposer  à ce progrom ? »

Ce 24 octobre, l’ambassade d’Israël près le Saint-Siège précisait que les membres de l’équipe d’his­toriens espéraient remettre directement le rapport à la Secrétairerie d’État du Vatican, en rencontrant Mgr Celestino Migliore, sous-secrétaire pour les rapports avec les États. De son côté, le français Pierre Blet, seul survivant des quatre jésuites chargés de la publication des « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale », et ancien professeur à l’université pontificale de la Grégorienne, attendait lui aussi la visite d’une partie de l’équipe.

Selon « Le Monde », le rapport des historiens conclut à la faiblesse du travail effectué par les quatre jésuites :

« Un examen rigoureux des onze volumes ne permet pas de répondre aux questions les plus signifi­catives sur le rôle du Vatican durant l’Holocauste. Aucun historien sérieux ne pourrait accepter que les volumes publiés constituent la fin de l’histoire. Cela n’est pas dû à la complexité des questions traitées ni à leur qualité éditoriale, mais au fait que beaucoup de ces documents sont susceptibles d’interprétations divergentes. »

Toujours selon « Le Monde », le rapport pointe les contradictions et les zones de recherche laissées obscures. Tous les documents disponibles ont-ils été publiés ? Ils regrettent aussi que soit laissée dans l’ombre « la manière dont ces lettres ont été reçues, quelle attention leur a été consacrée, comment elles ont été considérées et traitées dans les cercles divers de la diplomatie vaticane ». D’où la demande adressée au Vatican de laisser libre l’accès aux archives : « Ce serait un pas en avant dans la connaissance de cette période et dans le renforcement des relations entre les communautés juives et catholiques. »

Bernard Suchecky

Interrogé par « Le Monde », Bernard Suchecky, de l’U.L.B. [Université Libre de Bruxelles], l’un des six historiens de l’équipe, note que le Vatican a proposé à ces derniers « une démarche radicalement inverse de celle que pratique tout historien ». Alors que ce dernier va d’abord aux archives et publie ce qui ne l’a pas été, explique-t-il,

« il nous a été demandé au contraire de nous en tenir à l’examen des seules sources documentaires déjà publiées ».

L’historien belge souligne au passage la qualité de la collaboration entre les six historiens juifs et catholiques :

« Je crois pouvoir dire que tout s’est passé sans tenir compte de nos appartenances respectives, et il m’est arrivé plus d’une fois de juger des collègues catholiques plus critiques que moi-même ou certains de mes collègues juifs. »

Ce qui a le plus surpris B. Suchecky dans l’attitude de Pie XII est la priorité donnée à l’Allemagne et aux catholiques allemands, au détriment, par exemple, des catholiques polonais. Il s’en explique :

« Sans doute l’Église allemande est-elle la plus exposée en Europe, à l’exception des Églises sous le joug du communisme, mais l’importance stratégique que le pape accorde au catholicisme allemand étonne. Elle est nourrie par la vision qu’il a d’un communisme avec lequel il faut en finir, du nazisme qui est une épreuve qu’il croit passagère et du retour à une Allemagne conservatrice forte et disciplinée, au sein d’une coalition mondiale contre le bolchevisme. Cette vision dure pratiquement jusqu’à l’entrée en guerre de l’Union Soviétique aux côtés des alliés. »

1 Pour la partie catholique, le P. Gerald Fogarty, jésuite, professeur d’histoire de l’Église à l’Université de Virginie et spécia­liste des relations entre les USA et le Vatican, Eva Fleischner (Autriche), professeur émérite de l’Université de Montclair à New Jersey et spécialiste de la Shoah, et le professeur John Morley (États-Unis), professeur au département d’études religieuses de Seton Hall et auteur du livre « La diplomatie vaticane et les Juifs durant l’Holocauste » ; pour la partie juive, le professeur Michael Marrus, professeur à l’Université de Toronto (Canada), auteur de l’ouvrage « Vichy et les Juifs », le pro­fesseur Bernard Suchecky, chercheur à l’Université Libre de Bruxelles (Belgique), co-auteur avec le Père G. Passelecq du livre « L’encyclique cachée de Pie XI », et Robert Wistrich, professeur d’histoire à l’Université de Jérusalem.

2. Shoah : déçus, les historiens juifs et catholiques ont décidé de suspendre leurs travaux

Paris, 25 juillet 2001 (CIP)

Les historiens juifs et catholiques chargés d’étudier l’attitude du Vatican durant la seconde Guerre mondiale ont suspendu leurs travaux, le Vatican refusant de leur ouvrir ses archives, a annoncé mercredi le journal « La Croix ». Selon le quotidien catholique français, on considère au Vatican que leur com­mission historique n’est pas qualifiée pour les étudier.

Le 19 octobre 1999, le cardinal Edward Cassidy, président de la Commission vaticane pour les rapports religieux avec le judaïsme, annonçait la mise en place d’une équipe d’historiens, trois juifs et trois catholiques, chargés de passer en revue les « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale »

C’était le fruit d’un accord conclu la veille avec le président de l’International Jewish Committee on Interreligious Consultations, l’avocat new-yorkais Seymour D. Reich.

« Nous ne voyons plus aucun moyen à présent de conduire notre rapport final et estimons que nous devons suspendre notre travail »,

explique l’équipe d’historiens dans une lettre adressée au cardinal Walter Kasper, qui a entre-temps succédé au cardinal Cassidy à la tête de la Commission vaticane pour les rapports religieux avec le judaïsme, ce dernier les ayant informés du refus du Vatican de leur ouvrir ses archives.

« Il s’agit bien d’une suspension des travaux : la commission ne s’est pas dispersée »,

a précisé à “La Croix” le Belge Bernard Suchecky, de l’Université Libre de Bruxelles, l’un des trois historiens juifs de la commission.

L’initiative de créer une commission d’historiens juifs et catholiques satisfaisait une demande de la partie juive, adressée lors d’une session du Comité international de liaison entre juifs et catholiques tenue au Vatican du 23 au 26 mars 1998, au lendemain de la publication du document du Saint-Siège « Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah ». Certains, du côté juif, reprochant à ce document une certaine complaisance à l’égard de Pie XII, le cardinal Cassidy avait suggéré, pour en finir avec les polé­miques, que des historiens catholiques et juifs examinent les volumes publiés par quatre historiens jésuites (dont le seul survivant est le Français Pierre Blet).

« Nous ne sommes pas un tribunal chargé de juger Pie XII. Nous cherchons seulement à élever le niveau du débat »,

souligne aujourd’hui B. Suchecky.

Dans un « rapport préliminaire » d’une vingtaine de pages remis au cardinal Cassidy, le 25 octobre dernier au Vatican, l’équipe des six historiens juifs et catholiques demandaient d’ultérieures consultations des archives du Vatican. Le rapport, qui contenait 47 questions, concluait à la faiblesse du travail effectué par les quatre jésuites :

« Un examen rigoureux des onze volumes ne permet pas de répondre aux questions les plus significatives sur le rôle du Vatican durant l’Holocauste. Aucun historien sérieux ne pourrait accepter que les volumes publiés constituent la fin de l’histoire. Cela n’est pas dû à la complexité des questions traitées ni à leur qualité éditoriale, mais au fait que beaucoup de ces documents sont susceptibles d’interprétations divergentes. »

Le rapport pointait en outre des contradictions et des zones de recherche laissées obscures.

Par deux fois, le cardinal Cassidy a expliqué aux historiens qu’il n’avait pas le pouvoir d’ouvrir ces archives. Son successeur, le cardinal Kasper, a réaffirmé le refus du Vatican dans une lettre « dont le ton n’était pas des plus chaleureux », selon B. Suchecky, au motif que la commission historique n’était pas qualifiée pour les étudier. Les historiens le regrettent :

« Sans une réponse positive à notre requête honorable (d’un accès) aux documents d’archives non publiés, précise leur lettre, nous ne pouvons mainte­nir notre crédibilité après les appels de tant de catholiques, de juifs et d’autres, en faveur d’une plus grande mise à disposition d’éléments d’archives. » (CIP)

3. Vatican : aucune restriction à l’ouverture des archives. Le P. Peter Gumpel dénonce des affirmations «diffamatoires»

Vatican, 27 juillet 2001 (CIP)

Le Saint-Siège ne met « aucune restriction » à la consultation de ses archi­ves relatives à la seconde Guerre mondiale, « contrairement à ce qui s’est fait jusqu’à aujourd’hui pour d’autres archives », a déclaré le P. Gumpel en réponse à des accusations d’un groupe mixte d’experts, qu’il juge non fondées. Il regrette que la tâche confiée par le Saint-Siège à ces experts – la lecture des 12 volumes d’archives du Vatican et un rapport final – n’ait pas été menée à bien.

Le P. Peter Gumpel, jésuite, spécialiste des questions historiques relatives au pontificat de Pie XII, a été officiellement chargé par le Saint-Siège d’apporter des précisions à la polémique soulevée par le groupe d’étude composé de personnalités juives et catholiques sur les événements concernant le Saint-Siège et la persécution nazie au cours de la seconde guerre mondiale.

En octobre 1999, le cardinal Cassidy, président de la Commission vaticane pour les rapports reli­gieux avec le judaïsme, annonçait la mise en place d’une équipe d’historiens, trois juifs et trois catholi­ques, chargés de passer en revue les « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale », pour en finir avec les polémiques.

Dans une lettre adressée au cardinal Walter Kasper (qui a entre-temps succédé au cardinal Cassidy), qui les avait informés du refus du Vatican de leur ouvrir ses archives, l’équipe d’historiens vient de faire savoir : « Nous ne voyons plus aucun moyen à présent de conduire notre rapport final et estimons que nous devons suspendre notre travail ».

Ils précisent :

« Sans une réponse positive à notre requête honorable (d’un accès) aux documents d’archives non publiés nous ne pouvons maintenir notre crédibilité après les appels de tant de catholiques, de juifs et d’autres, en faveur d’une plus grande mise à disposition d’éléments d’archives. »

Le P. Gumpel regrette que, contrairement à l’ouverture des archives du Vatican, les autres archives internationales ne soient pas disposées à fournir les documents demandés. « Les documents que nous avions demandés ont été déplacés ou étaient sous embargo », affirme le P. Gumpel à propos des archives des États-Unis. Le jésuite déplore « une violente attaque contre l’Église catholique » et des affirmations « diffamatoires ».

Rappelons que les 12 volumes intitulés « Actes et Documents du Saint Siège relatifs à la seconde guerre mondiale » (Éditions du Vatican, 1965-1981) ont été publiés à la demande du pape Paul VI, par souci de transparence, par quatre historiens jésuites : Pierre Blet (France), Robert A. Graham (États-Unis), Angelo Martini (Italie) et Burkhart Schneider (Allemagne). Ceux-ci ont rassemblé et publié les archives – encore non classées – relatives à la période 1939-1945. Le P. Pierre Blet, le seul de ces experts encore en vie, a publié un compendium de ce travail, le rendant ainsi accessible au grand public, sous le titre Pie XII et la Seconde guerre mondiale (Perrin, 1997, 336 pages).

La déclaration du P. Gumpel

Voici le texte intégral de la déclaration du P. Gumpel :

« Ces derniers jours, une violente attaque contre l’Église catholique s’est à nouveau déchaînée. L’occasion de cette campagne de diffamation a été fournie par la décision du groupe d’étude judéo-chrétien de suspendre leur activité. Ce groupe d’étude mixte avait été institué en 1999 avec la charge précise d’examiner les 12 volumes de l’ouvrage “Actes et Documents du Saint Siège relatifs à la seconde guerre mondiale”, où sont rassemblés tous les documents d’archives du Saint-Siège durant la Seconde guerre mondiale.

En soi, cette initiative était louable et favorable à l’approfondissement de la vérité historique regardant les activités du Souverain pontife Pie XII durant la Seconde guerre mondiale avec une référence précise à son oeuvre d’assistance aux juifs persécutés.

Qui a lu cet ouvrage peut se rendre compte combien le Souverain pontife a fait tous les efforts possibles pour sauver le plus de vies possibles sans aucune distinction. Hélas, cet aspect n’a pas été suffisamment évalué et considéré par le groupe susdit. Et même, dès le départ des travaux, certains membres du groupe – pas tous -, du côté juif, ont publique­ment répandu le soupçon que le Saint-Siège tendait à cacher des documents qui, selon eux, auraient été compromettants. Par la suite, ces personnes ont de façon répétée été à l’origine de fuites d’informations déformées et tendancieuses, en les communiquant à la presse internationale.

Le Saint-Siège, tout en étant au courant de ce comportement ouvertement incorrect, a continué à alimenter la discussion, tout en ayant la possibilité et le droit de retirer sa participation au groupe. En effet, au cours d’une discussion académique, le minimum que l’on puisse attendre des participants est une attitude de respect mutuel et de confiance réciproque quant à l’honnêteté des participants. En dépit de la pleine disponibilité du Saint-Siège, à continuer le travail de recherche historique, nous avons dû constater que les membres du groupe n’ont pas tous – et peut-être pas même un – lu les 12 volumes qui devaient être examinés.

Chaque membre du groupe a examiné deux volumes et aurait dû rédiger un rapport sur chacun d’eux. À la fin de ce travail préliminaire, la disparité des jugements était telle qu’Eugene Fischer, coordinateur du groupe, a déclaré : “Ils étaient si différents dans la forme et dans la substance qu’un rapport synthétique commun aurait été très difficile à rédiger”. À ce moment-là, le groupe décida de formuler et de transmettre au Saint-Siège une liste de 47 questions. Le groupe demandait en outre la possibilité d’examiner tous les docu­ments conservés dans les Archives du Vatican et pas encore publiés.

En octobre 2000, le groupe d’étude est venu à Rome et il a eu des rencontres avec le cardinal Edward I. Cassidy, le cardinal Pio Laghi, Mgr Jorge Maria Mejía, maintenant cardinal, et avec le soussigné en qualité d’expert désigné par le cardinal Cassidy. Le but de la rencontre était d’avoir des réponses aux questions posées et de clarifier les événements historiques.

Le 24 octobre 2000, j’ai rencontré le groupe susdit, après avoir préparé 47 dossiers pour répondre de manière spécifique et détaillée à chacune des questions qui m’avaient été transmises quinze jours avant la ren­contre. Avec un très grand désappointement, j’ai pu constater que la lecture des volumes en question avait été faite de manière approximative avec les interprétations de dates et de faits qui, sur certains points, étaient complètement retournés. Face à mes explications, et à la documentation jointe, les membres du groupe n’eurent rien à objecter.

À la fin de la rencontre, au cours de laquelle nous n’avions pu traiter que 12 des 47 questions, j’ai déclaré mon entière disponibilité à continuer la discussion. Hélas, cette proposition n’a pas été acceptée, également parce qu’à la suite d’une grave fuite d’informations, dont était responsable un membre juif du groupe, le temps mis à disposition fut utilisé pour chercher à régler des questions de crise interne. A la suite de cette situation, une consultation de deux membres du groupe avec le P. Pierre Blet, historien, a également été annulée.

Il est déconcertant qu’au cours de mois suivants, certains membres juifs du groupe ont systématiquement répandu la nouvelle qu’ils n’avaient pas reçu de réponse à leurs questions. En outre, jusqu’à aujourd’hui, le groupe n’a jamais présenté de Rapport définitif sur leurs travaux et ils ont donc manqué à la tâche qui leur avait été confiée. Ils ont au contraire décidé de suspendre leurs travaux alléguant le motif qu’on ne leur avait pas consenti un accès illimité aux archives du Vatican. A ce propos, on observera que l’Archiviste du Saint-Siège, le cardinal Jorge Maria Mejía, a expliqué en détail à ce groupe l’impossibilité technique de consulter les documents d’après 1922, du fait qu’il s’agit d’un matériel gigantesque (plus de trois millions de feuillets) et qu’il n’a pas encore été catalogué. Tout chercheur sait naturellement qu’aucune archive ne peut être consultée si les documents ne sont pas catalogués et classés.

Dans les récentes et odieuses attaques contre le Saint-Siège, il a été affirmé que le Saint-Siège n’entend pas ouvrir ses archives. Cette information est un faux retentissant parce que, comme il a été clairement dit aux membres du groupe, dès que possible, le matériel en rapport au pontificat de Pie XII sera entièrement mis non seulement à leur disposition mais à celle de tous les chercheurs.

Le Saint-Siège ne met aucune restriction que ce soit, contrairement à ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui pour d’autres archives comme celles des États-Unis, d’Angleterre ou d’autres. A ce propos je peux attester que certains de mes collaborateurs, historiens de renommée, ont consulté les archives mentionnées et ont constaté que justement les documents que nous avions demandés ont été déplacés ou étaient sous embargo. Une telle constatation a été confirmée de vive voix par un membre du groupe d’étude durant la rencontre que nous avons eue à Rome. Le chercheur a raconté à tous son expérience personnelle dans le travail de recherche dans les archives des États-Unis.

Dans ces conditions, il est évident que les nouvelles tendancieusement répandues ces derniers jours sont dépourvues de fondement, et qu’elles ont clairement des fins de propagande au détriment du Saint-Siège. L’initiative qui avait pour but d’améliorer les relations entre l’Église catholique et la communauté juive a donc échoué: la responsabilité en revient à ceux qui, en contrevenant aux plus élémentaires normes académiques et humaines, se sont rendus coupables de comportements irresponsables. » (Cip-zn)

4. Communiqué du Cardinal W. Kasper, Président de la Commission vaticane pour les rapports religieux avec le judaïsme, à propos de la suspension des travaux du groupe d’experts chargés d’examiner les documents relatifs à l’attitude de l’Eglise Catholique durant la Seconde Guerre Mondiale

Traduction de l’italien : Menahem Macina.

Cité du Vatican, 24.08.2001

Les rapports entre l’Eglise catholique et le Judaïsme ont enregistré une orientation positive à partir de la Déclaration Nostra Aetate (n. 4) du Concile Vatican II (1965). Le dialogue se substituait aux anciennes disputations.

Dans ce climat nouveau, la Commission du Saint Siège pour les Rapports Religieux avec le Judaïsme et le Comité Juif International pour les Consultations Interreligieuses prenaient, en octobre 1999, l’initiative de constituer un groupe d’experts, composé de trois représentants juifs et d’un nombre égal de représentants catholiques, chargés d’examiner les onze volumes de la collection des Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre Mondiale, publiés entre 1965 et 1981 par quelques historiens réputés, et de poser des questions adéquates à leur propos. En effet, jusqu’à cette date, dans le débat public concernant le Saint Siège et l’Holocauste, on n’avait tenu compte que de manière marginale de la riche documentation contenue dans ces volumes.

La Commission pour les Rapports Religieux avec le Judaïsme a appris avec regret, en juillet, la décision de ces experts de suspendre leurs recherches. Ce qui ne l’empêche pas d’être reconnaissante aux membres du groupe, et particulièrement aux représentants catholiques, de tout ce qui a déjà été accompli, et de la disponibilité dont ils ont fait preuve.

D’emblée, il est apparu clairement que, dans les limites de la tâche confiée au groupe, il ne serait pas possible de répondre à toutes les questions, qui n’auraient pu être résolues que par la consultation des sources encore non accessibles, ou par une étude ultérieure. On pouvait penser cependant que les résultats escomptés auraient pu militer opportunément en faveur d’un débat objectif. Les experts du groupe ont accepté d’assumer leur tâche, qui n’était pas facile. A aucun moment on ne leur a fait miroiter la perspective qu’ils pourraient avoir accès aux documents des Archives Vaticanes postérieures à 1922.

En octobre 2000, le groupe d’experts a présenté un Rapport Préliminaire, qui comportait 47 questions, document qui a donné lieu à des controverses de la part d’autres historiens. L’éventualité de la poursuite de la recherche du groupe susdit a été amplement examinée au cours de la rencontre du Comité International de Contact entre Catholiques et Juifs, lors de la### réunion qui s’est tenue à New York (1-4 mai 2001). Du résultat positif de cet examen, ressortait la volonté de l’une et l’autre parties de poursuivre la recherche et de parvenir à la présentation d’un Rapport Final.

Mais, dans les faits, force a été de constater l’impossibilité de surmonter les différentes interprétations des tâches et du but du groupe. En outre, des indiscrétions et des écrits polémiques, dus à la partie juive, contribuaient à créer un climat de méfiance. Tout cela rendait pratiquement impossible la poursuite d’une recherche en commun.

Un travail scientifique de cette nature ne peut être mené à bien que sur des bases de correction, dans le respect et la confiance mutuels de ceux qui l’entreprennent. Ces conditions indispensables se sont avérées faire totalement défaut, en raison de la polémique qui a suivi la suspension du travail de recherche, et des soupçons offensants qui ont accompagné cette suspension. Les membres catholiques du groupe ont pris publiquement leurs distances par rapport à ces interprétations et appréciations polémiques.

Au stade actuel, et sur ces bases, il ne semble donc pas possible d’envisager une reprise du travail commun.

La Commission pour les Rapports Religieux avec le Judaïsme veut dissiper tout doute concernant le caractère irréversible de la marche vers la compréhension entre Juifs et Chrétiens, processus qui doit être poursuivi dans l’intérêt de chacune des parties. Ce processus, initié lors du Concile, a été poursuivi par le pape Jean-Paul II. Des représentants juifs autorisés ont également fait savoir qu’ils étaient opposés à cette polémique publique, et ont réaffirmé leur volonté de continuer à approfondir le dialogue sur les questions religieuses. Certes, la compréhension entre Juifs et Chrétiens nécessite également le recours à l’enquête historique. L’accès à toutes les sources documentaires qui y ont trait constitue donc une exigence naturelle de cette recherche. Le désir, exprimé par les historiens, d’avoir également accès au fonds d’archives relatives aux pontificats de Pie XI (1922-1939) et de Pie XII (1939-1958) est compréhensible et légitime.

Par respect pour la vérité, le Saint-Siège est prêt à autoriser l’accès aux Archives du Vatican, dès que sera achevé le travail de mise en ordre et de catalogage des fonds en question.

La Commission pour les Rapports Religieux avec le Judaïsme mettra tout en oeuvre, durant les prochains mois, afin de trouver les conditions adéquates pour la reprise de la recherche sur de nouvelles bases, dans l’espoir qu’il sera possible de parvenir à une clarification en commun des questions soulevées. Et ce en raison même de la conviction de la Commission que l’Eglise catholique n’a pas peur de la vérité historique.

24 août 2001
Walter, Cardinal Kasper
Président
Mis en ligne le 11 novembre 2005 sur le site rivtsion.org.

5. Les membres juifs de la commission mixte d’historiens rejettent les reproches du cardinal Kasper

Rome, 7 septembre 2001 (CIP)

Les membres juifs de la commission mixte d’historiens chargés de passer en revue les « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Deuxième Guerre mondiale » ont été« choqués » par les récentes déclarations du cardinal Walter Kasper, président de la Commission vaticane pour les rapports religieux avec le judaïsme. Le cardinal Kasper les avait rendus en partie responsables de la suspension du groupe d’étude catholique et juif.

Dans une lettre ouverte publiée cette semaine, Michael Marrus (Toronto), Bernard Suchecky (Bruxelles) et Robert Wistrich (Jérusalem), demandent une nouvelle fois que le Vatican ouvre ses archi­ves concernant la deuxième Guerre mondiale. Cette demande a provoqué la suspension des travaux de la commission le 24 juillet dernier. Les historiens juifs faisaient partie de l’équipe de six experts – trois juifs et trois catholiques – chargés de passer en revue les 12 volumes des « Actes et documents du Saint-Siège » pour la période de la guerre, publiés de 1965 à 1981 à la demande du pape Paul VI. Ces documents sont censés représenter l’intégralité des archives du Vatican sur le sujet.

Une « étude préli­minaire » a permis de relever les questions qui méritaient davantage d’éclaircissement.

Le cardinal Kasper déplorait, le 24 août, « les fuites et les écrits polémiques » de la part de membres juifs de la commission « rendant presque impossible de continuer une recherche conjointe ». Pour le car­dinal allemand, une telle recherche historique ne peut réussir que dans une atmosphère de confiance et de respect mutuel.

Des relents d’antisémitisme

Les trois historiens juifs parlent d’« attaques radicales » de la part du Vatican contre leur intégrité en tant que scientifiques. La presse israélienne a fait écho à l’indignation des membres juifs de la commission. Le Père jésuite Peter Gumpel, historien spécialiste de cette période, a de son côté, dénoncé une campagne diffamatoire contre le Vatican. La personne du pape Pie XII, qui n’aurait pas fait tout ce qu’il aurait pu pour sauver les juifs, selon ses détracteurs, est au centre de la polémique. Dans leur lettre, les experts juifs qualifient les propos du Père Gumpel de « haineux » et « blessants ». Ils critiquent également le cardinal Kasper, qui s’est joint aux critiques du jésuite allemand.

De son côté, le Conseil international des chrétiens et juifs (ICCJ) s’est, lui aussi, adressé au cardinal Kasper, en demandant que la controverse ne compromette pas le renouveau des relations judéo-chrétiennes. L’ICCJ, qui déplore les propos du Père Gumpel, se dit inquiet des accusations de l’historien, qui font penser à « un certain arrière-goût d’antisémitisme classique ».

Selon le Conseil, ce ton ne reflète en aucun cas le langage de l’Église catholique d’après le Concile Vatican II.

(CIP-CNS-KNA-APIC)
© Menahem Macina

M. R. Macina The Hebrew University of Jerusalem Retraité. Licencié en Histoire de la Pensée Juive (Université Hébraïque de Jérusalem). A enseigné dans plusieurs universités européennes. Auteur de nombreuses études sur les doctrines eschatologiques juives et chrétiennes traditionnelles. Retired. Degree in History of Jewish Thought (Hebrew University of Jerusalem). Has taught in several European universities. Author of numerous studies on traditional Jewish and Christian eschatological doctr